Pays-Bas: Wilders compte bien devenir Premier ministre après sa victoire surprise
23.11.2023 18:34
© Reuters. L’homme politique néerlandais d’extrême-droite Geert Wilders après la publication de sondages à la sortie des urnes montrant son partie en tête. /Photo prise le 22 novembre 2023/REUTERS/Yves Herman
par Bart H. Meijer et Charlotte Van Campenhout
AMSTERDAM (Reuters) – Geert Wilders entend bien devenir le nouveau Premier ministre des Pays-Bas et axer sa politique sur la lutte contre l’immigration, a-t-il déclaré jeudi au lendemain de la victoire surprise de son Parti pour la liberté (PVV), formation d’extrême droite dont le succès pourrait avoir des répercussions pour l’ensemble de l’Union européenne.
Admirateur déclaré de l’ancien président américain Donald Trump et du dirigeant nationaliste hongrois Viktor Orban, farouche détracteur de l’UE et de l’islam, Geert Wilders compte aussi réduire nettement la contribution néerlandaise à l’UE et bloquer l’adhésion de nouveaux membres, y compris l’Ukraine.
Ces positions radicales sont rejetées par les autres partis avec lesquels il va être contraint de s’entendre s’il veut former une coalition gouvernementale. Elles lui ont en revanche valu les félicitations des dirigeants d’extrême droite d’autres pays européens, qui, de Marine Le Pen en France à Matteo Salvini en Italie, se sont réjouis de sa réussite.
Défiant toutes les prévisions, le PVV a remporté 37 sièges sur 150 lors des élections organisées mercredi, loin devant les 25 sièges obtenus par l’alliance de gauche dirigée par l’ancien Commissaire européen Frans Timmermans et les 24 sièges du Parti libéral (VVD) du Premier ministre sortant Mark Rutte.
Geert Wilders a confirmé jeudi aux médias néerlandais son intention de prendre la tête d’un futur gouvernement et d’organiser un référendum sur une éventuelle sortie des Pays-Bas de l’UE, dont ils sont pourtant membres fondateurs.
« Mais la première chose est une restriction importante de l’asile et de l’immigration », a-t-il dit. « Nous ne faisons pas cela pour nous, nous le faisons pour tous les Néerlandais qui ont voté pour nous. »
Si aucune formation avec laquelle il est susceptible de s’allier n’approuverait une sortie de l’UE ou une violation des dispositions constitutionnelles garantissant la liberté de culte, Geert Wilders s’est dit confiant dans la possibilité de parvenir à un accord.
COUP DE SEMONCE EN EUROPE
Une coalition de son PVV, du VVD et du parti Nouveau contrat social (NSC) du centriste Pieter Omtzigt disposerait de 81 sièges, ce qui en fait la combinaison la plus évidente, mais sa formation pourrait encore nécessiter des mois de négociations difficiles, d’autant que les chefs de file de ces deux alliés potentiels ont déjà exprimé leurs réticences à collaborer avec le dirigeant d’extrême droite.
La victoire de Geert Wilders constitue un coup de semonce supplémentaire pour les habituels partis dits de gouvernement à travers l’Europe en vue des élections européennes de juin prochain, qui pourraient se jouer sur les mêmes thèmes que ceux du scrutin néerlandais : l’immigration, le coût de la vie et les mesures de lutte contre le changement climatique.
« On en a fini avec les vieux politiciens », se réjouit Herman Borcher, un électeur à Enschede, dans l’est des Pays-Bas.
« Les Pays-Bas doivent changer », approuve Sabine Schoppen, ajoutant dans un sourire : « Bye bye Rutte, salut Geert Wilders. »
Les élections le mois dernier en Pologne, remportées par une coalition pro-européenne face aux conservateurs sortants, montrent que les orientations défendues par Geert Wilders ne sont pas forcément destinées à s’imposer dans toute l’Europe mais son succès intervient aussi un an après l’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en Italie et deux mois après le retour en Slovaquie de Robert Fico, hostile lui aussi à l’immigration et au versement d’une aide militaire à l’Ukraine face à la Russie.
« Le vent du changement est là », s’est félicité Viktor Orban.
La réalisation de cette prédiction va dépendre dans un premier temps de l’attitude des partenaires potentiels de Geert Wilders pour former un gouvernement.
« Nous sommes disponibles pour gouverner », a dit Pieter Omtzigt, du NSC. « C’est un résultat difficile. Nous allons discuter jeudi de la meilleure manière dont nous allons pouvoir contribuer. »
Dilan Yesilgoz, du VVD, a pour sa part déclaré qu’il revenait désormais à Geert Wilders de montrer sa capacité à dégager une majorité de gouvernement.
Les chefs de file des partis vont se réunir vendredi pour désigner un « explorateur », une personnalité politique chargée de consulter les différentes formations sur les perspectives de coalition.
(Reportage Bart Meijer, Charlotte van Campenhout, Anthony Deutsch, Johnny Cotton, Toby Sterling à Amsterdam, Petra Wischgoll à Enschede; rédigé par Ingrid Melander, version française Kate Entringer et Bertrand Boucey, édité par Blandine Hénault et Jean-Stéphane Brosse)