Un journaliste du Wall Street Journal détenu en Russie pour espionnage
30.03.2023 18:37
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© Reuters. Photo d’un véhicule transportant le journaliste Evan Gershkovich. /Photo prise le 30 mars 2023 à Moscou, Russie/REUTERS/Evgenia Novozhenina
par Andrew Osborn et Felix Light
LONDRES (Reuters) – Un tribunal de Moscou a ordonné jeudi le placement en détention provisoire d’un journaliste américain travaillant pour le Wall Street Journal que la Russie accuse d’espionnage au profit des Etats-Unis.
Il s’agit de la plus grave mesure prise à l’encontre d’un journaliste étranger depuis que la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022.
Le Service de sécurité fédéral russe (FSB) a annoncé l’ouverture de poursuites pénales pour espionnage à l’encontre d’Evan Gershkovich, qui a été « pris la main dans le sac » selon l’expression du Kremlin.
C’est la première fois depuis la fin de l’URSS en 1991 qu’un journaliste étranger est poursuivi pour espionnage en Russie.
Evan Gershkovich, qui travaille pour le bureau de Moscou du Wall Street Journal depuis janvier 2022, a plaidé non coupable devant le tribunal. Son employeur a jugé que ce dossier monté contre son journaliste s’appuyait sur de fausses allégations.
L’espionnage est passible de vingt ans de prison en Russie.
Cette affaire s’inscrit dans un contexte de relations extrêmement tendues entre Moscou et Washington, premier fournisseur d’armes à l’Ukraine.
Le FSB accuse Evan Gershkovich, qui est âgé de 31 ans, d’avoir recueilli des informations classées secret d’État au sujet d’une usine militaire.
Le FSB n’a pas cité l’usine ni précisé où elle se trouvait, mais a indiqué avoir arrêté le journaliste dans la ville d’Ekaterinbourg, en Sibérie occidentale.
« Il a été établi qu’Evan Gershkovich, agissant sur mandat américain, recueillait des informations classées secret d’État sur l’activité de l’une des entreprises du complexe militaro-industriel russe », a déclaré le FSB dans son communiqué.
Le Wall Street Journal s’est dit dans un communiqué « profondément inquiet » pour la sécurité d’Evan Gershkovich, démentant « avec véhémence » les allégations du FSB et demandant « la libération immédiate de notre journaliste dévoué et digne de confiance ».
La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré que les activités de Gershkovich n’avaient « pas de lien avec le journalisme ».
L’ambassade des Etats-Unis à Moscou n’a pas fait de commentaires dans l’immédiat.
Une source diplomatique américaine a déclaré que l’ambassade n’avait pas été informée de l’incident et qu’elle cherchait à obtenir des informations auprès des autorités russes.
L’affaire rappelle l’arrestation en 1986 par l’Union soviétique du journaliste américain Nicholas Daniloff, finalement relâché après avoir été accusé d’espionnage.
Evan Gershkovich devrait être transféré à la prison moscovite de Lefortovo, un centre de détention provisoire du FSB.
« ATTAQUE FRONTALE CONTRE LES JOURNALISTES ÉTRANGERS »
Evan Gershkovich, qui couvre la Russie depuis 2017, a précédemment travaillé au journal The Moscow Times et à l’Agence-France Presse.
Ces derniers mois, il avait principalement couvert la politique russe et le conflit en Ukraine.
Iaroslav Chirchikov, politologue à Ekaterinbourg, a dit à Reuters avoir été interviewé il y a deux semaines par le journaliste américain, qu’il devait revoir à nouveau jeudi.
Le reporter, qui n’était pas selon lui un « ennemi de la Russie », l’avait interrogé sur l’attitude de la population locale vis-à-vis du groupe paramilitaire Wagner, qui combat en Ukraine. Il l’avait aussi informé qu’il comptait se rendre à Nijny Tagil, une ville abritant une usine de chars, afin de demander aux habitants si leur point de vue sur la guerre en Ukraine avait évolué.
La Russie a considérablement durci la censure depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, punissant de cinq à quinze ans d’emprisonnement le fait de « discréditer » l’armée russe ou de diffuser des informations fausses à son sujet.
La définition de ce qui constitue un secret d’Etat, en particulier dans la sphère militaire, a été également élargie.
« Le problème est que la législation récemment mise à jour en Russie et l’interprétation par le FSB de l’espionnage aujourd’hui autorisent l’emprisonnement de quiconque est simplement intéressé par les questions militaires », déclare Tatiana Stanovaïa, fondatrice du bureau d’analyse politique R.Politik.
Elle a émis l’hypothèse qu’Evan Gershkovich ait été pris en « otage » pour un éventuel futur échange de prisonniers.
Il y a plus d’un an, une semaine avant l’invasion de l’Ukraine, la basketteuse américaine Brittney Griner avait été arrêtée et emprisonnée en Russie pour possession illégale de cannabis. Elle a été relâchée en décembre dernier en échange de la libération du marchand d’armes Viktor Bout, qui purgeait une peine de 25 ans de prison aux Etats-Unis.
Andrei Soldatov, auteur et spécialiste des agences de sécurité russe, a dénoncé sur Twitter (NYSE:) une « attaque frontale » contre les journalistes étrangers en Russie.
« Evan Gershkovich est un très bon et courageux journaliste, pas un espion. C’est une attaque frontale contre tous les correspondants étrangers qui travaillent encore en Russie. Et cela signifie que le FSB a la bride sur le cou », a-t-il dit.
(Reportage Reuters, version française Nathan Vifflin et Jean-Stéphane Brosse, édité par Blandine Hénault)
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