Turquie: Un journaliste arrêté dans le cadre d’une nouvelle loi sur la désinformation
15.12.2022 13:44
© Reuters. Des députés assistent à la réouverture du parlement turc après les vacances d’été à Ankara, en Turquie. /Photo prise le 1er octobre 2018. REUTERS/Umit Bektas
par Huseyin Hayatsever et Ali Kucukgocmen
ANKARA (Reuters) – La justice turque s’est appuyée pour la première fois sur une nouvelle loi condamnant la « désinformation » pour ordonner l’arrestation d’un journaliste, a déclaré jeudi l’avocat de ce dernier.
Le Parlement turc, dominé par l’AKP, le parti du président Recep Tayyip Erdogan, et ses alliés nationalistes du MHP, a adopté en octobre cette loi prévoyant jusqu’à trois ans de prison en cas de diffusion d’information fausse ou trompeuse. Les détracteurs de ce texte dénoncent une menace contre la liberté d’expression et soupçonnent le pouvoir de vouloir ainsi étouffer toute contestation.
Sinan Aygul, journaliste dans la province à majorité kurde de Bitlis, dans le sud-est de la Turquie, a été arrêté mercredi matin après avoir écrit sur Twitter (NYSE:) qu’une jeune fille de 14 ans aurait été victime d’agression sexuelle de la part de plusieurs hommes, dont des policiers et des militaires. Il a par la suite retiré sa publication.
Dans une série de tweets, Sinan Aygul a rapporté que le gouverneur local lui avait affirmé que ce récit était faux.
Sinan Aygul, président de l’Association des journalistes de Bitlis, a ensuite présenté ses excuses pour avoir diffusé ce récit sans en avoir vérifié la véracité au préalable avec les autorités.
Un tribunal local a ordonné mercredi l’arrestation du journaliste dans l’attente de son procès en jugeant que ses actions auraient pu semer la peur et la panique au sein de la population et troubler la paix dans le pays en raison de sa popularité, montre un document judiciaire.
Dans une déclaration à la cour, Sinan Aygul a dit avoir corrigé son erreur après des contacts avec les autorités, supprimé son tweet initial et ne pas avoir eu l’intention d’enfreindre la loi.
Son avocat, Diyar Orak, a déclaré que cette détention était illégale.
« L’application de cette loi (…) qui a été utilisée pour la première fois à notre connaissance, en étant interprétée de cette manière par l’appareil judiciaire, éveille en nous l’inquiétude que des enquêtes et des arrestations similaires se multiplient à l’avenir », a-t-il dit à Reuters.
(Reportage Huseyin Hayatsever et Ali Kucukgocmen, version française Bertrand Boucey, édité par Blandine Hénault)