Projet d’embargo pétrolier : Viktor Orban accuse l’UE d’avoir franchi une «ligne rouge»
06.05.2022 12:21
Le Premier ministre hongrois a accusé Bruxelles d'avoir «porté atteinte à l'unité européenne» en proposant un embargo progressif sur le pétrole russe. Budapest estime que cette mesure «détruirait complètement la sécurité énergétique» du pays.
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a jugé le 6 mai que Bruxelles avait franchi «une ligne rouge» en voulant interdire les importations de pétrole russe et «porté atteinte» à l’unité européenne affichée depuis le début du conflit ukrainien.
Ainsi, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, «a volontairement ou non attaqué l’unité européenne», a-t-il déclaré lors d’une interview à la radio. «J’ai dit oui aux cinq premiers paquets de sanctions, mais nous avons clairement signifié dès le début qu’il y avait une ligne rouge: l’embargo sur l’énergie. Ils ont franchi cette ligne […], il y a un moment où il faut dire stop », a-t-il ajouté.
Bombe nucléaire larguée sur l’économie hongroise
«Il faut une décision unanime, tant que la question hongroise ne sera pas résolue, il n’y aura pas de oui de la Hongrie», a-t-il insisté, sans utiliser le mot de «veto». «La proposition a été renvoyée à l’expéditeur, à Madame la Présidente [Ursula von der Leyen] pour qu’elle la retravaille, nous attendons une nouvelle proposition», a ajouté le dirigeant. L’unanimité des 27, impérative pour l’adoption de sanctions par l’UE, a été obtenue pour les cinq précédentes séries de représailles à l’encontre de Moscou.
Selon Viktor Orban, les Européens avaient acté «le droit souverain de chaque pays sur son mix énergétique», la Hongrie étant fortement dépendante du pétrole russe. Un embargo «équivaudrait à une bombe nucléaire larguée sur l’économie hongroise», a lancé le Premier ministre.
La dérogation prévue pour son pays jusqu’à fin 2023 par la Commission n’est à ses yeux nullement satisfaisante, «la transformation totale du système hongrois de transport et d’approvisionnement en énergie» nécessitant «cinq ans» et s’avérant très coûteuse à mettre en œuvre. «Nous n’irons nulle part avec une exemption d’un an et demi», a-t-il tranché, précisant que Budapest pourrait accepter la proposition si le pétrole brut livré par pipelines était exclu du train de mesures.
Viktor Orban a également protesté contre l’inclusion, dans le train de sanctions, du chef de l’Eglise orthodoxe russe, le patriarche Kirill. «Nous ne permettrons pas aux dirigeants d’églises d’être mis sur une liste de sanctions», a-t-il dit.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a annoncé le 4 mai, devant le Parlement européen, un plan d’embargo progressif sur le pétrole russe, dans le cadre d’un sixième paquet de sanctions contre Moscou, afin de tarir le financement de l’intervention militaire en Ukraine. La dirigeante a fixé à un horizon de six mois l’arrêt des livraisons de pétrole brut, tandis que l’arrêt des importations de produits raffinés est prévu pour la fin 2022.
Le projet de la Commission prévoit cependant une exemption pour la Hongrie et la Slovaquie, dépendants des livraisons par l’oléoduc Droujba : les deux pays sont censés pouvoir poursuivre leurs achats à la Russie en 2023. La Hongrie avait, dès le 4 mai, rejeté la proposition d’un embargo européen progressif, jugeant qu’une telle mesure «détruirait complètement la sécurité énergétique» du pays et rejetant le projet bruxellois «dans sa forme actuelle», selon le ministre des Affaires étrangères Peter Szijjarto.
D’après l’Agence internationale de l’énergie, la Hongrie a reçu en 2021 une grande partie de ses importations de pétrole brut et de produits pétroliers de la Russie. Sur un autre volet énergétique essentiel dans la crise actuelle, celui du gaz, la Hongrie avait d’ailleurs annoncé, contrairement à la Pologne et à la Bulgarie, qu’elle était prête à accepter la demande de Moscou de payer les livraisons de gaz russe en roubles.
Les cours du baril de brut se sont envolés sous l’effet de la présentation du projet d’embargo européen sur les importations russes, en conjonction avec la faiblesse des réserves américaines de produits pétroliers.
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