Le Mali se retire de l’organisation régionale G5 Sahel
16.05.2022 15:52
Le Mali a annoncé son retrait du G5 Sahel et de sa force militaire antidjihadiste pour protester contre le refus qui lui est opposé d'assurer la présidence de cette organisation régionale formée avec la Mauritanie, le Tchad, le Burkina et le Niger
«Le gouvernement du Mali décide de se retirer de tous les organes et instances du G5 Sahel, y compris la Force conjointe [antidjihadiste]», a fait savoir Bamako dans un communiqué publié le 15 mai, accusant l’organisation d’être «instrumentalisée» depuis l’«extérieur».
Une conférence des chefs d’Etats du G5 Sahel prévue en février 2022 à Bamako devait «consacrer le début de la présidence malienne du G5» mais près d’un trimestre après le terme indiqué, cette réunion ne s’est toujours pas tenue, selon ce communiqué.
Outre le Mali et le Burkina, le G5 Sahel, composé d’environ 5 000 militaires, est formé de contingents de la Mauritanie, du Tchad et du Niger. Le G5 Sahel a été créé en 2014 et sa force antijihadiste lancée en 2017.
Le Mali dénonce les «manœuvres d’un Etat extra-régional»
Bamako «rejette fermement l’argument d’un Etat membre du G5 Sahel qui avance la situation politique interne nationale pour s’opposer à l’exercice par le Mali de la présidence du G5 Sahel», sans citer à quel Etat elle fait allusion.
Selon le gouvernement malien, «l’opposition de certains Etats du G5 Sahel à la présidence du Mali est liée aux manœuvres d’un Etat extra-régional visant désespérément à isoler le Mali», sans également préciser quel est ce dernier Etat. Les relations entre le Mali et les pays européens, à commencer par la France, se sont largement dégradées ces derniers mois.
Cette décision survient aussi après l’annonce début mai par le gouvernement malien de la fin du traité de coopération de 2014 avec la France, ainsi que des accords de 2013 et 2020 fixant le cadre juridique de la présence de la force antidjihadiste Barkhane et du regroupement de forces spéciales européennes Takuba, initié par la France.
Dans un communiqué lu à la télévision nationale, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, avait invoqué les «atteintes flagrantes» de la part de la France, engagée militairement dans le pays depuis 2013, à la souveraineté nationale. Il a cité «l’attitude unilatérale» de la France lorsqu’elle a suspendu en juin 2021 les opérations conjointes entre les forces françaises et maliennes, l’annonce en février 2022, «encore sans aucune consultation de la partie malienne», du retrait des forces Barkhane et Takuba, et les «multiples violations» de l’espace aérien par les appareils français malgré l’instauration par les autorités d’une zone d’interdiction aérienne au-dessus d’une vaste partie du territoire. De son côté, Paris avait jugé «injustifiée» la décision malienne.
Une dégradation continue des relations franco-maliennes
Cette nouvelle annonce des autorités maliennes s’inscrit par ailleurs dans le cadre d’une dégradation des relations entre deux anciens alliés qui ont combattu ensemble la contagion djihadiste partie du nord de ce pays pauvre et enclavé. Elle a depuis gagné le Niger et le Burkina Faso voisins, et menace de s’étendre encore plus au sud jusqu’au Golfe de Guinée. Elle a fait au Mali des milliers de morts, civils et combattants, et laissé le pays proche de sombrer, de l’aveu même des autorités.
Paris avait notamment fait part de sa désapprobation après le second coup d’Etat mené par les colonels en mai 2021 contre un président et un Premier ministre qu’ils avaient eux-mêmes installés, et dénonçait également la révocation par les colonels de leur engagement à rendre le pouvoir aux civils en février 2022.
Les autorités français reprochent également au pouvoir malien de se rapprocher de la Russie. Paris et ses alliés accusent les autorités maliennes de s’être assuré les services de la société privée russe Wagner, tandis que Moscou insiste sur la distinction entre cette société privée et le gouvernement. Le gouvernement malien conteste toute présence du groupe, et parle d’une collaboration ancienne d’Etat à Etat avec la Russie.
Bamako estime que la France n’a plus de «base légale» pour opérer au Mali