Indicateurs économiques

Le gouvernement français survit à la censure, la contestation de la réforme des retraites continue

21.03.2023 07:25



© Reuters. Des députés de gauche brandissent des pancartes après le résultat du vote sur la première motion de censure contre le gouvernement français, déposée par le groupe centriste Liot, après l’utilisation par le gouvernement français de l’article 49.3

par Elizabeth Pineau

PARIS (Reuters) – Le gouvernement d’Elisabeth Borne a survécu de justesse lundi à une des deux motions de censure déclenchées à l’Assemblée nationale après l’utilisation controversée de l’article 49.3 sur son projet de réforme des retraites, toujours combattu dans la rue où de nouveaux incidents ont éclaté.

La motion de censure déposée par le groupe centriste Libertés Indépendants Outre-mer et Territoires (Liot) soutenue par la coalition de gauche Nupes et votée par le Rassemblement national a recueilli 278 voix, soit neuf voix de moins que les 287 requises pour faire tomber le gouvernement.

« Démission », ont aussitôt crié dans l’hémicycle des députés de La France insoumise (LFI), qui ont brandi des panneaux où l’on pouvait lire « 64 ans c’est non » et « RDV dans la rue ».

Une deuxième motion de censure déposée par le seul Rassemblement national votée dans la foulée a recueilli 94 voix. Le parti de Marine Le Pen a annoncé dans un communiqué son intention de saisir le Conseil constitutionnel contre une réforme « inique ».

Elisabeth Borne va elle aussi saisir « directement » le Conseil, a indiqué lundi soir Matignon, précisant que la Première ministre souhaite que « tous les points soulevés au cours des débats puissent être examinés dans les meilleurs délais ».

Depuis jeudi, et le déclenchement de l’article 49.3, dispositif constitutionnel permettant de faire adopter un texte sans vote des députés, la tension est montée avec de nombreuses manifestations, parfois émaillées de violences, partout en France.

Au regard du résultat, 19 députés Les Républicains ont voté la motion de censure de Liot, malgré la consigne du président du parti Eric Ciotti de ne pas s’y associer.

Avant le vote, la Première ministre avait une nouvelle fois défendu une réforme « équilibrée », rejetée par une large majorité de Français selon tous les sondages d’opinion.

« Aujourd’hui, c’est sur le compromis trouvé par le Parlement que j’engage la responsabilité de mon gouvernement », a dit Elisabeth Borne. « Rejeter ce compromis, ce serait financer nos retraites par la dette et fragiliser dangereusement notre système par répartition. »

« Oui, il y aura un après », a déclaré pour sa part la présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée, Aurore Bergé, désireuse de se projeter au-delà de cette crise politique que nombre d’observateurs considèrent comme la plus grave depuis celle des Gilets jaunes, fin 2018.

« L’avenir, c’est ce qui doit nous appartenir à partir de ce soir », a-t-elle ajouté.

« CHEMINEMENT DÉMOCRATIQUE »

« Si votre gouvernement tombait ce soir, les Français seraient tout simplement soulagés », a lancé pour sa part la présidente du groupe LFI au Palais Bourbon (EPA:), Mathilde Panot.

« La ‘macronie’ ne tient plus qu’à un fil’, a réagi LFI dans un communiqué publié après le vote.

Le groupe Liot a demandé de son côté que la réforme ne soit pas promulguée et soumise à référendum.

Pour le « patron » du groupe Les Républicains (LR), Olivier Marleix, « le problème ce n’est pas la réforme des retraites, c’est le président de la République » et son « exercice isolé, parfois narcissique et souvent arrogant du pouvoir ».

Dimanche soir, dans une première intervention depuis le tollé déclenché par le recours au 49.3, Emmanuel Macron a dit souhaiter que « le texte sur les retraites puisse aller au bout de son cheminement démocratique dans le respect de tous ».

Le président de la République recevra mardi matin Elisabeth Borne et les principaux responsables de la majorité à l’Elysée, avant de déjeuner avec les présidents des deux chambres du Parlement puis de recevoir l’ensemble des parlementaires de la majorité en fin de journée.

« C’est un moment important pour le gouvernement », a reconnu lundi le ministre de Travail Olivier Dussopt, rejetant les accusations de « vice démocratique ».

« Qu’est-ce qu’il y a de plus démocratique que de voir une cheffe de gouvernement remettre le destin de son gouvernement dans les mains du Parlement ? », s’est-il interrogé sur LCI.

Outre les débats au Parlement, la contestation contre la réforme s’est poursuivie lundi avec de nouvelles manifestations et des grèves reconductibles dans les transports et l’énergie.

Les livraisons des raffineries en France de TotalEnergies étaient ainsi à nouveau bloquées pour la treizième journée consécutive, avec, à la clé, la question d’un impact éventuel sur l’approvisionnement des stations-service.

De son côté, la direction générale de l’aviation civile (DGAC) a prévenu d’une baisse du trafic aérien de 20% mardi et mercredi sur l’aéroport parisien d’Orly et à Marseille.

A Paris, la RATP avait fermé 11 stations de métro et de RER situées dans les alentours de l’Assemblée nationale, de la place de la Concorde, du palais de l’Elysée et de celui de Matignon « pour raison de sécurité ».

Les manifestants réunis depuis le début de l’après-midi place Vauban, derrière les Invalides, ont été dispersés en début de soirée après des heurts avec les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogène, a constaté une journaliste de Reuters.

Des groupes de manifestants, en majorité des jeunes, ont alors organisé des cortèges « sauvages » dans les rues de la capitale, incendiant ici ou là des poubelles empilées depuis le début de la grève des éboueurs et provoquant de nouvelles interventions de la police et des pompiers. Plus d’une centaine de personnes ont été interpellées, selon les autorités.

Des incidents, notamment des attaques contre des locaux politiques et des feux de poubelles, ont aussi été signalés dans plusieurs villes de province, comme Amiens, Brest ou Rennes.

Les syndicats, vent debout contre la réforme, ont d’ores et déjà indiqué qu’ils poursuivraient la lutte. Alors qu’une neuvième journée de mobilisation nationale est prévue jeudi, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a appelé lundi soir Emmanuel Macron à « retirer » sa loi.

« Il y avait jusqu’alors une profonde détermination. Ce soir, le choix est de laisser la rue à la radicalité. C’est dangereux », a-t-il estimé sur LCI.

(Avec la contribution d’Ingrid Melander et Layli Foroudi, édité par Blandine Hénault et Tangi Salaün)



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