La Banque d’Angleterre porte son taux au plus haut en 13 ans et prévoit forte inflation et récession
06.05.2022 19:23
La Banque d’Angleterre, confrontée à une inflation de 10%, a de nouveau augmenté son taux directeur. Le gouverneur reconnaît que cette décision affectera «particulièrement les plus petits revenus», tandis que le pays met le cap sur la récession.
La Banque d’Angleterre (BoE) a relevé le 5 mai son taux à un plus haut depuis 2009 pour contrer l’inflation qu’elle voit flamber au-dessus de 10% au quatrième trimestre et provoquer une contraction de l’économie. La hausse de 0,25 point, quatrième relèvement consécutif décidé par la banque centrale britannique, porte le taux directeur à 1%.
Le gouverneur de l’institut monétaire Andrew Bailey a reconnu «les difficultés que cela [allait] créer pour de nombreuses personnes à travers le Royaume-Uni, particulièrement les plus petits revenus, […] les plus touchés par la hausse des prix de l’énergie et de la nourriture».
La veille, la Réserve fédérale américaine (Fed) avait remonté ses taux directeurs de 0,5 point, rattrapant son retard pour combattre l’inflation par rapport à la BoE, qui a commencé à agir fin 2021, tandis que la Banque centrale européenne (BCE) ne leur à pas encore emboîté le pas, même si elle envisage désormais de le faire.
Dans le compte rendu de sa réunion, la BoE explique que «les pressions inflationnistes mondiales se sont sévèrement intensifiées après l’invasion de l’Ukraine par la Russie», et que cela va se répercuter sur les ménages britanniques en octobre avec une hausse des prix régulés de l’électricité de 40%.
Dans l’ensemble, l’inflation devrait culminer à «un peu plus de 10%» au quatrième trimestre, soit nettement plus que les 2% visés par l’institut monétaire britannique, qui anticipe un recul de l’économie avec la chute du pouvoir d’achat des ménages à partir de la fin 2022. Ces annonces ont fait plonger la livre, en baisse de plus de 2% à 1,2360 dollar vers 15H15 GMT.
Daniel Vernazza, économiste chez la banque italienne UniCredit, cité par l’AFP, estime que «le message est qu’il y aura besoin d’une politique monétaire moins dure pour calmer l’inflation que ce que le marché prévoyait», parce que la croissance atone de l’activité se charge de ralentir la hausse des prix.
Le marché anticipait en effet une hausse de taux allant jusqu’à 2,5% dans l’année à venir mais pour la BoE, monter autant les taux plomberait tellement l’activité que cela étoufferait en même temps l’inflation, qui retomberait alors bien en dessous de son objectif de 2% en 2024.
Impuissance
La BoE tablait encore en février sur une augmentation de 1,25% du produit intérieur brut (PIB) en 2023. Elle anticipe désormais une contraction de 0,25% l’an prochain. Etant donné la manière dont le marché de l’électricité est régulé au Royaume-Uni, avec des évolutions deux fois par an, la Boe prévoit que l’inflation des prix pour les consommateurs pourrait redescendre plus tardivement qu’ailleurs dans le monde.
Elle reconnaît que si les cours restent à un niveau élevé, cela «va forcément peser sur les revenus réels des ménages du Royaume-Uni, et sur la marge des entreprises qui y sont installées ». Et d’ajouter : «La politique monétaire ne peut rien faire contre cela.» La Banque centrale prévient toutefois dans son compte rendu que «la plupart des membres du Comité estiment qu’un degré de hausse supplémentaire dans les prochains mois pourrait être approprié».
Le sujet du coût de la vie était au centre des élections locales qui se sont tenues le 5 mai et qui, selon les premiers résultats, ont sanctionné, sur fonds de scandale touchant Boris Johnson, le parti conservateur au pouvoir dans des circonscriptions symboles qu’il dominait à Londres depuis des décennies.
La secrétaire générale du syndicat Unite Sharon Graham a dénoncé le 5 mai la hausse des taux qui, selon elle «ajoute une pression financière sur les familles ordinaires, sur les emprunts et les loyers».
Le Fonds monétaire international (FMI) avait fortement révisé à la baisse il y a quelques jours ses prévisions pour l’économie britannique, disant s’attendre à ce que le Royaume-Uni connaisse la croissance la plus faible du G7 l’an prochain.
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