Exclusif: L’Europe veut maintenir les sanctions contre le programme balistique de l’Iran
29.06.2023 15:28
© Reuters. Le drapeau iranien flotte devant le siège de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) à Vienne, en Autriche. /Photo prise le 6 mars 2023/REUTERS/Leonhard Foeger
par John Irish, Arshad Mohammed et Parisa Hafezi
PARIS/WASHINGTON/DUBAI (Reuters) – Des diplomates européens ont informé l’Iran de leur volonté de maintenir les sanctions contre son programme balistique instaurées par le désormais défunt accord de 2015 sur le nucléaire iranien et qui doivent expirer en octobre prochain, ont déclaré quatre sources au fait de la question.
Cette décision, qui pourrait entraîner des représailles de la part de Téhéran, s’explique par trois motifs, ont indiqué les sources: les drones fournis par l’Iran à la Russie pour la guerre en Ukraine, le risque de voir Téhéran livrer des missiles balistiques à Moscou, et la volonté de priver l’Iran de l’un des bénéfices de l’accord de 2015 dont les termes ne sont plus respectés par Téhéran – même si l’accord a été dénoncé en premier lieu par les Etats-Unis en 2018.
La démarche illustre la volonté des Occidentaux d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme nucléaire, alors que Téhéran s’est affranchi par étapes des restrictions de l’accord de 2015, principalement en matière d’enrichissement d’uranium.
Désormais, d’après des estimations américaines, l’Iran serait en mesure de produire en environ 12 jours les matières fissiles nécessaires pour une bombe, contre un délai d’un an lorsque l’accord de 2015 sur le nucléaire était en vigueur.
Après d’infructueux cycles de pourparlers destinés à raviver le Plan d’action global conjoint (PAGC) signé à Vienne, les relations entre les Occidentaux et l’Iran se sont détériorées depuis un an, poussant les Etats-Unis à chercher des moyens d’apaiser les tensions et, le cas échéant, à remettre en place certaines limites sur le nucléaire iranien.
Téhéran nie vouloir se doter de l’arme nucléaire, que Washington et ses alliés voient comme une menace pour Israël ainsi que pour les exportateurs de du Golfe.
TÉHÉRAN A REFUSÉ DE DISCUTER DU SUJET
« Les Iraniens ont été informés assez clairement (du projet de maintien de ces sanctions) et, désormais, la question est de savoir si les Iraniens vont prendre des mesures de représailles, lesquelles, et comment anticiper cela », a déclaré un diplomate occidental sous couvert d’anonymat.
Depuis 2017, Téhéran a mené plusieurs essais balistiques et lancements de satellites contraires aux résolutions de l’Onu encadrant l’accord de 2015. Le mois dernier, a été tiré un missile d’une portée pouvant aller jusqu’à 2.000 km.
Les puissances européennes signataires de l’accord de 2015 – Allemagne, France et Grande-Bretagne – s’inquiètent des relations de plus en plus étroites entre l’Iran et la Russie en matière de défense.
D’après des représentants occidentaux, la Russie utilise des drones iraniens pour frapper l’Ukraine, laissant craindre selon eux que Téhéran puisse fournir des missiles balistiques à Moscou.
Sous couvert d’anonymat, un représentant iranien a déclaré à Reuters que le négociateur en chef de Téhéran sur le nucléaire avait refusé de discuter du maintien de sanctions européennes lorsque la question a été soulevée le 21 juin, à Doha, par le diplomate européen de haut rang coordonnant les négociations destinées à raviver l’accord de 2015, Enrique Mora.
Un autre représentant iranien a rejeté l’hypothèse que ces sanctions soient maintenues, déclarant que Téhéran avait progressé sur ses programmes nucléaire et balistique pendant des années en dépit des sanctions occidentales.
Selon un diplomate européen, Enrique Mora a commencé les préparatifs juridiques en vue du maintien des sanctions européennes. Une telle décision requiert un consensus au sein de l’Union européenne.
Cette question n’a pas encore été abordée par les Etats membres du bloc communautaire, ont déclaré deux sources.
(Reportage John Irish à Paris, Arshad Mohammed à Washington et Parisa Hafezi à Dubai, avec Andrew Gray et Sabine Siebold à Bruxelles; version française Jean Terzian)