ENQUETE: Révision à la baisse des perspectives économiques mondiales, décalage avec l’optimisme des marchés
26.01.2023 12:45
© Reuters. De la fumée s’élève des cheminées d’une usine du port de Dunkerque, en France. /Photo prise le 19 janvier 2023/REUTERS/Yves Herman
par Hari Kishan
BANGALORE (Reuters) – La croissance économique mondiale devrait à peine dépasser les 2% cette année, selon une enquête Reuters auprès d’économistes qui mettent en outre en garde contre une révision à la baisse de leurs anticipations, à contre-courant de l’optimisme observé sur les marchés financiers depuis le début de l’année.
La baisse des prix de l’énergie, le ralentissement de l’inflation dans la plupart des grands pays, la résistance inattendue de l’activité en zone euro et la réouverture de la Chine ont conduit les investisseurs à spéculer sur un atterrissage en douceur de l’économie.
Cet optimisme a fait grimper l’indice MSCI monde de près de 20% par rapport à son niveau le plus bas d’octobre. Mercredi, il a fini à un sommet de cinq mois, malgré la perspective d’un maintien prolongé de la politique restrictive des banques centrales.
Les plus de 500 économistes dans 45 pays interrogés par Reuters, dans son enquête du 5 au 25 janvier, se montrent cependant dans leur ensemble beaucoup moins optimistes et ont ramené les prévisions de croissance pour cette année et l’année prochaine, établies respectivement à 2,3% et 3% en octobre 2022, à 2,1% et 2,8%.
La prévision de ces économistes pour 2023 est inférieure à celle du Fonds monétaire international (FMI), qui tablait en octobre sur une croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial de 2,7% en 2023. Le FMI doit actualiser la semaine prochaine ses prévisions.
Quelque 130 économistes sur 195 estiment que le risque le plus important concernant leurs perspectives de croissance mondiale est que celle-ci soit encore plus faible que ce qu’ils prévoient actuellement.
Selon ces économistes, une grande partie de leurs prévisions dépendra de l’effet de la politique des principales banques centrales dans le monde. Ils jugent qu’il faut au moins un an pour que l’impact complet de la hausse des taux d’intérêt se reflète dans l’économie.
« Le marché continue d’envisager un scénario de rêve selon lequel l’inflation aurait atteint un pic, puis diminuerait fortement, sans toutefois s’enfoncer dans un creux », observent les stratèges marchés de Rabobank, sur la base des données publiées au cours des premières semaines de l’année.
« Mais (…) l’éventail des scénarios à venir est vraiment large, et pourtant le marché semble s’être contenté d’un scénario médian optimiste qui semble le moins susceptible de se produire », ajoutent-ils.
Concernant l’inflation, les prévisions pour cette année dans près de 80% des économies étudiées, soit 35 sur 45, ont été revues à la hausse par rapport à l’enquête d’octobre, ce qui suggère que les banques centrales dans le monde devraient maintenir une politique monétaire stricte pendant une période prolongée.
Parallèlement, le chômage dans ces économies ne devrait pas beaucoup augmenter par rapport au taux actuel qui est relativement bas, laissant aux banques centrales peu de marge de manoeuvre pour envisager une baisse des taux d’intérêt dans un avenir proche.
L’enquête Reuters montre que presque toutes les grandes banques centrales devraient maintenir leurs taux d’intérêt stables jusqu’à la fin de l’année, ce qui s’inscrit également à contre-courant de l’évolution anticipée sur les contrats à terme sur le marché obligataire, un assouplissement étant prévu au quatrième trimestre.
La Banque centrale européenne (BCE), la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque d’Angleterre (BoE) tiendront la semaine prochaine leur réunion respective de politique monétaire et un relèvement des taux est prévu avant une éventuel statu quo.
Une hausse de 50 points de base des taux de la BCE et de la BoE est anticipée jeudi contre un relèvement de 25 points pour la Fed mercredi.
« Nous voyons de bonnes raisons de croire que l’économie mondiale a encore une année difficile devant elle », mettent en garde les économistes de Citigroup (NYSE:).
« Une inflation élevée et une politique monétaire restrictive sont susceptibles d’assombrir les perspectives, et nous ne serions pas surpris d’assister à un nouveau durcissement des conditions financières mondiales dans les mois à venir », ajoutent-ils.
Priés de se prononcer sur la plus grande menace pour la croissance économique mondiale cette année, plus de 85% des économistes sondés, soit 171 sur 196, se sont répartis presque à égalité entre le resserrement de la politique monétaire (90 économistes) et la persistance d’une inflation élevée (81 économistes).
Quinze d’entre eux ont cité la guerre en Ukraine, huit une dépréciation du prix des actifs, tandis qu’un a évoqué une résurgence de la pandémie de COVID-19 et un autre un marché du travail plus faible que prévu.
(Reportage Hari Kishan et Sarupya Ganguly; avec les bureaux de Reuters à Bangalore, Buenos Aires, au Caire, à Istanbul, à Johannesburg, à Londres, à Shanghaï et à Tokyo, version française Claude Chendjou, édité par Kate Entringer)